Le nucléaire civil chinois : d’une technologie 100 % importée à des champions locaux et internationaux
Avec un tiers des réacteurs nucléaires en construction dans le monde actuellement situés sur le territoire chinois, la Chine est aujourd’hui le pays qui mise le plus sur l’énergie atomique. Des besoins en énergie croissants et l’impératif de trouver des alternatives au charbon poussent en effet le gouvernement chinois à donner de plus en plus d’ampleur à sa politique nucléaire. Ainsi, le 13e plan quinquennal adopté en mars 2016 charge le Conseil d’État chinois d’approuver la construction de six à huit nouveaux réacteurs nucléaires par an. Si ce rythme est respecté, la puissance du nucléaire civil chinois devrait atteindre 58 gigawatts (GWe) d’ici 2020-2021 et dépasser les 150 GWe en 2030.
Un rattrapage qui s’est largement appuyé sur l’expertise des géants internationaux du nucléaire
Il s’agit d’un véritable rattrapage pour la Chine qui s’est lancée dans le nucléaire civil en 1994 seulement, plusieurs dizaines d’années après la France et les États-Unis. Ce sont d’ailleurs les technologies élaborées dans les pays pionniers du nucléaire qui ont permis de construire les premières centrales chinoises. Il s’agit de la France avec les groupes Areva et EDF et des États-Unis avec Westinghouse, mais aussi de la Russie avec OKB Gidropress ou du Canada avec Atomic Energy of Canada Limited.
C’est grâce à cette coopération que la Chine a pu se doter de quelque 36 réacteurs, actuellement en opération sur un seize sites du littoral chinois. Entre 2007 et 2014 en particulier, la quantité d’électricité générée par ces centrales a plus que doublé pour représenter environ 2 % du mix énergétique chinois. C’est cette coopération qui a permis au nucléaire civil chinois de rattrapper son retard.
L’un des challenges actuels du gouvernement chinois est de mieux répartir géographiquement la production d’énergie en fonction de la consommation. Source: Characterizing China’s energy consumption with selective economic factors and energy-resource endowment: a spatial econometric approach. Lei JIANG, Minhe JI, Ling BAI http://journal.hep.com.cn/fesci/EN/Y2015/V9/I2/355#FigureTableTab
Depuis les années 2000, la technologie chinoise s’affine avec des projets plus puissants et innovants
Cependant, la Chine n’a jamais perdu de vu l’objectif de devenir elle-même une puissance dans le domaine de l’énergie atomique : les deux décennies pendant lesquelles des groupes étrangers ont exporté leur technologie en Chine et la trentaine de réacteurs ainsi construits ont permis aux équipes chinoises d’acquérir les compétences suffisantes pour mettre au point leurs propres réacteurs.
Il s’agit par exemple du Hualong One, élaboré conjointement par la China General Nuclear Power Corporation (CGN, 中国广核集团) et la China National Nuclear Corporation (CNNC, 中国核工业集团公司). Ce réacteur de troisième génération dont deux unités sont actuellement en construction à Fuqing (福清核电站) repose en partie sur une technologie française utilisée de longue date en Chine, mais améliorée et redésignée par la CGN.
Cette même entreprise travaille également à la mise au point d’une centrale nucléaire flottante. Le premier réacteur flottant au monde pourrait générer de l’électricité à partir de 2020.
Pour 2020 ou 2021 est également prévue la commercialisation d’énergie produite par un réacteur de quatrième génération dans le Jiangxi (江西). Le premier réacteur chinois de ce type a été mis en activité en 2010, à l’heure où les onze centrales chinoises utilisaient encore des réacteurs de seconde génération. Il s’agit du réacteur expérimental à neutrons rapides (le CEFR, ou en chinois 中国实验快堆) situé à proximité de Pékin. Sa spécificité : son taux d’utilisation de l’uranium est de 60 % alors que ceux de troisième génération ont un taux de 1 % seulement. « Le CEFR est mieux sécurisé, moins dangereux pour l’environnement et plus économique que ses prédécesseurs », explique Zhang Donghui, directeur général du projet CEFR, au China Daily.
Une technologie portée par des leaders locaux qui cherchent désormais à s’exporter
Ce sont essentiellement la CGN, la CNNC ainsi que la State Power Investment Cooperation (SPIC, 国家电力投资集团), toutes trois des entreprises d’État, qui sont parvenues à s’implanter sur leur marché national et élaborent aujourd’hui leurs propres technologies. Malgré la concurrence des groupes internationaux et notamment grâce à sa force de frappe financière, la CGN (anciennement China Guangdong Nuclear Power Corporation) a par exemple participé à la création de seize réacteurs depuis son lancement en 1994 et gère aujourd’hui la construction de douze autres, dont quatre Hualong One.
Si elle a coopéré avec la CNNC pour la réalisation de ce réacteur, ces deux entreprises restent en concurrence pour leurs parts de marché sur le marché chinois. En particulier, « cette dernière investit depuis plusieurs années des montants colossaux dans la chaine d’approvisionnement et de développement du secteur nucléaire », observe Clément Mougenot, Directeur Études chez Daxue Conseil. À l’heure où la Chine commence à exporter son savoir-faire, la concurrence des groupes chinois se poursuit sur les marchés étrangers, notamment en Afrique (Afrique du Sud), en Amérique latine (Argentine) ou encore en Europe (Royaume-Uni).
La Chine commence à exporter son industrie nucléaire. Projets nucléaires internationaux dans lesquels la Chine a une participation majoritaire.
En parallèle, ces entreprises ont encore de nombreux problèmes à résoudre sur leur marché national. Il s’agit par exemple de l’acceptation des nouveaux projets de centrale nucléaire, de plus en plus difficile à admettre pour les populations habitant à proximité des terrains sélectionnés pour l’implantation des usines. Cette situation est d’autant plus problématique que, toujours plus puissants, les nouveaux réacteurs chinois occupent de plus en plus d’espace. Bien que généralement plus favorable au nucléaire qu’en Europe, la population chinoise se pose aussi de nombreuses questions de sécurité, sur lesquelles le gouvernement a promis de travailler. Enfin, la multitude de réacteurs aujourd’hui en service en Chine, due à l’importation de technologies étrangères dans les années 1990 et 2000, pose aujourd’hui un véritable challenge en termes d’intégration et de standardisation aux entreprises chinoises gérant le réseau d’électricité nucléaire.
L’expertise de Daxue Conseil
Le secteur du nucléaire en Chine présente déjà un fort potentiel et va poursuivre son expansion au cours des quarante années à venir. Si vous êtes un acteur du nucléaire, équipementier ou fournisseur, Daxue Conseil peut vous aider à mieux comprendre et approcher le marché chinois. Notre équipe de recherche peut tout d’abord évaluer et mesurer le potentiel de votre offre sur le marché chinois. L’expertise Daxue Conseil peut aussi permettre de cartographier les acteurs du secteur (concurrents présents sur le marché ainsi que les potentiels clients et partenaires locaux) afin de définir la stratégie d’entrée idéale pour votre projet Chine.
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