Après des années de croissance continue, le chiffre d’affaires des entreprises françaises de cosmétique en Chine continue d’augmenter, mais à un rythme ralenti. Le marché des cosmétiques chinois, en comparaison, se porte plutôt bien : d’après Euromonitor, les ventes de produits de beauté et de maquillage en Chine ont augmenté respectivement de 6,7 % et 10,9 % entre 2014 et 2015. Les groupes français ne sont plus les seuls en place : la concurrence de marques japonaises, sud-coréennes et surtout chinoises se fait de plus en plus forte. Explications : Les cosmétiques français en Chine séduisent-ils toujours autant ?
La Chine, un marché idéal pour les marques étrangères de cosmétiques jusqu’en 2013
Jusqu’en 2013, les entreprises étrangères ont dominé le marché chinois des cosmétiques qui s’élevait alors à quelque 14 milliards d’euros, d’après Ubifrance, occupant environ 60 % des parts de marché. La France était particulièrement bien représentée avec des marques comme L’Oréal Paris, Lancôme, Clarins ou encore Dior qui accaparaient, au total, 32,77 % des parts, devant le Japon et les États-Unis. Fin 2012, L’Oréal commercialisait vingt marques, dont Maybelline et L’Oréal Paris, en croissance de 12,4 % par an. De son côté, Clarins a vu ses ventes en ligne augmenter de 500 % entre septembre 2012 et août 2013.
De façon générale, il y a trois ans, les entreprises étrangères et les joint-ventures commercialisaient des marques haut de gamme tandis que leurs concurrents locaux se concentraient sur le bas et le milieu de gamme.
Des groupes locaux émergent à partir de 2014
Cependant, le vent commence à tourner dès 2014. D’après le China Shopper Report 2015, 2014 est la première année pendant laquelle les ventes des entreprises chinoises surpassent celles des marques étrangères : les distributeurs chinois contribuent à générer 87 % de la croissance du marché en 2014, représentant près de 70 % de la valeur du marché sur vingt-six catégories de produits. Pour dix-huit d’entre elles, essentiellement dans le domaine du soin de la peau et du maquillage (« color cosmetics »), les marques chinoises sont plus vendues que les marques étrangères. Cette tendance peut notamment s’expliquer par l’influence de la politique d’éducation du gouvernement chinois, incitant les consommateurs à acheter des marques locales, mais également par la volonté grandissante des chinois à prendre soin de leur apparence tout en respectant leur santé. Cette prise de conscience et cet intérêt pour les produits dits « naturels » ont favorisé le marché des cosmétiques à base de plantes et s’inspirant de la médecine traditionnelle chinoise.
Ainsi, le groupe Jala (en chinois : 伽蓝集团), en particulier grâce à ses marques Chando (自然堂) et Maysu (美素), a vu ses ventes augmenter de 15 % entre 2014 et 2015. D’autres marques comme Pechoin (百雀羚), appartenant au groupe SPDC, marquent des points grâce à leur stratégie de développement dans les villes de petite et moyenne taille avant de s’attaquer aux mégalopoles de la côte avec des produits premium et de meilleure qualité. De façon générale, les entreprises locales de cosmétiques au rapport qualité-prix supérieur à celui des marques étrangères ont connu un boom de 10 à 15 % en 2014.
La croissance des entreprises chinoises se poursuit en 2016
Les bons résultats des marques locales se poursuivent en 2016. Par exemple, la stratégie de Pechoin (百雀羚) porte ses fruits puisque lors des préventes du Festival de shopping en ligne du 11 novembre 2016 sur Tmall, la plateforme de e-commerce pour les produits étrangers du groupe Alibaba, l’entreprise sort deuxième dans la catégorie des soins du visage avec 25 123 unités vendues de son « Eau Énergie », juste derrière La Roche-Posay. De façon générale, pour cette catégorie de produits, ce sont les marques milieu et bas de gamme qui ont connu les meilleures ventes.
Ces bons résultats sont en partie le produit d’un marketing très efficace, notamment sur WeChat, l’application de messagerie instantanée qui permet aussi de suivre l’actualité des marques et d’acheter leurs produits sur leurs boutiques WeChat. Étant donné le nombre d’utilisateurs de cette application (plus de 700 millions d’utilisateurs actifs), une part de plus en plus importante du marketing des entreprises chinoises passe par WeChat, qui permet aux « suiveurs » de la marque de bénéficier de promotions avantageuses et autres échantillons gratuits, et d’acheter les produits d’un effleurement de doigt. Or, seule une marque de beauté sur cinq possède une boutique sur WeChat, la moitié d’entre elles étant chinoises, et visant plutôt le mass-market. Ces marques locales remportent la faveur du public et sont les plus vendues. Une grande partie des marques occidentales échouent à utiliser WeChat pour rester à jour avec les évolutions du marché.
Concurrence accrue de la part d’autres marques asiatiques
À la concurrence des groupes locaux s’ajoute celle des poids lourds des cosmétiques venant de Corée du Sud et du Japon. Le groupe japonais Shiseido a par exemple vu son chiffre d’affaires grimper grâce à une croissance de 17 % en Chine en 2015. Plus récemment, au troisième semestre fiscal terminant en mars 2016, la marque japonaise de la multinationale américaine Procter & Gamble, SK-II, a vu ses parts de marché augmenter de 20 % en Chine. La marque a également brillé en 2016 grâce à la sortie, en avril, d’une campagne appelant à cesser de discriminer les femmes célibataires de plus de 25 ans. D’après l’entreprise, le clip « Marriage Market Takeover » a été visionné environ onze millions de fois en Chine et à l’étranger, témoignant de la force de la campagne et de la marque.
Les groupes sud-coréens connaissent également un succès croissant, notamment grâce à la popularité en Chine des célébrités sud-coréennes de la télévision ou de la chanson, rapporte le Jing Daily. Par exemple, les ventes d’un produit pour les lèvres de la marque Laneige ont connu un regain de croissance en Chine, après leur apparition dans un show télévisé de la star coréenne Song Hye Ko. De son côté, la campagne « Sumer Love » de la marque Innisfree, qui faisait apparaitre les célébrités Lee Minho et Yoona, a été visionnée 181 000 fois sur Youku. Le succès de ces campagnes marketing a contribué à la croissance des exportations de cosmétiques coréens de 250 % en 2015 et les produits coréens représentent désormais un quart des importations chinoises de cosmétiques. En 2016, Innisfree rencontre un succès particulièrement fort avec ses masques faciaux vendus à 75 336 unités lors des préventes du 11 novembre de Tmall.
En 2016, ce sont les marques sud-coréennes, Japonaises et Américaines qui représentent 70 % à 90 % du marché en termes de ventes, tandis que les marques chinoises représentent 22 %, montre le rapport sur l’industrie cosmétique 2016 du Sina Weibo Data Center. Excepté L’Oréal Group dont quatre marques apparaissent parmi les six marques préférées des Chinois en 2016, les marques françaises, jugées trop chères et avec une stratégie marketing peu en phase avec le mode de vie des consommateurs, peinent à conserver leur rang.
Face à cette concurrence, les marques françaises perdent des parts de marché
Par comparaison aux entreprises asiatiques qui redoublent d’efforts sur le marketing et la qualité de leurs produits, certaines marques de groupes français, comme Garnier de L’Oréal, ne font plus le poids : « Garnier n’est ni suffisamment bon marché, ni suffisamment luxueux. Les consommateurs chinois ne sont plus prêts à payer un prix premium pour une marque occidentale, à moins que celle-ci ne soit manifestement meilleure », analyse Shaun Rein, conseiller du groupe China Market Research pour le Financial Times, à propos du retrait de la marque Garnier de Chine, en 2014.
En conséquence, les marques occidentales ont vu leurs parts de marché baisser à 4,8 % pour les soins de la peau et 3,8 % pour le maquillage en 2014, d’après un rapport de L2 détaillé par le Jing Daily. Et si les marques françaises voient toujours leurs ventes augmenter, c’est à un rythme de plus en plus lent. Tout en faisant de la Chine son deuxième marché après les États-Unis, L’Oréal, présent en Chine depuis 1997, a par exemple enregistré une hausse des ventes de 4,6 % seulement en 2015, contre 7,7 % l’année précédente. Comme le montre le rapport du Sina Weibo Data Center, en 2016, la France n’apparait pas parmi les principaux pays dont les marques de cosmétiques dominent le marché chinois. Pour preuve, lors des préventes du Festival de shopping de Tmall, et mis à part L’Oréal Group (ses marques, Maybelline et Lancôme, parviennent à hisser chacune deux produits dans la catégorie maquillage où les groupes étrangers sont encore leaders), les groupes français figurent rarement en tête des classements. Seul La Roche-Posay tire son épingle du jeu dans la catégorie des soins du visage. La concurrence des produits locaux se ressent particulièrement dans la catégorie des masques faciaux par exemple, où ils représentent 70 % du top 10.
Les réactions des marques françaises en 2015 et 2016
Pour conserver leurs parts de marché, les marques françaises les plus populaires font donc tout pour retenir l’attention de leur clientèle. Une des techniques employées est le lancement de nouveaux produits, plus en phase avec les attentes des consommateurs chinois, essentiellement dans le haut de gamme : en 2016, L’Oréal a par exemple lancé la marque de soin capillaire Ultra Doux, suivie par Dior et son One Essential Mist-Lotion, protégeant de la pollution. L’entreprise familiale Clarins a également prévu d’approfondir sa connaissance des plantes et de la médecine traditionnelle chinoise dans ses centres de recherche et développements locaux (un partenariat a été créé pour ce faire avec l’Université de Kunming) — ce qui est une façon de répondre aux concurrents locaux spécialisés sur ce segment. La famille Courtin-Clarins souhaite aussi étoffer sa présence en Chine avec l’ouverture en 2016 et 2017 de nouvelles boutiques et de spas dans lesquels les consommateurs peuvent faire plus ample connaissance avec les consultants de Clarins ainsi que ses produits.
Enfin, étant donné que les consommateurs chinois consacrent une part de plus en plus importante de leur budget au commerce en ligne, une autre façon de maintenir ses parts de marché en 2015 et 2016 a été de booster sa présence sur Internet. Lancôme a ainsi ouvert sa boutique sur la plateforme de e-commerce Tmall, tandis que Sephora se lançait sur JD.com. Mais c’est encore L’Oréal qui se taille la part du lion : sa marque L’Oréal Paris se voulait la première marque de beauté en ligne en 2015. En 2016, Clarins a adopté une stratégie radicalement digitale et cross charnel en fusionnant son marketing en ligne et en boutique afin de mieux répondre aux nouvelles habitudes de consommation des femmes chinoises pour qui le Web est un passage obligé dans leur décision d’achat de cosmétique (que ce soit pour se renseigner sur les produits, suivre les actualités de la marque ou acheter en ligne). De cette façon l’entreprise familiale française espère augmenter ses parts de marché en Chine de 6 à 12 % en cinq ans.
L’expertise de Daxue Conseil
Un grand fabricant américain d’accessoires de beauté haut de gamme, déjà présent sur le marché chinois, a contacté Daxue Conseil avec le double objectif de développer son image de marque ainsi que la notoriété de ses produits auprès de sa cible de consommateurs. La marque souhaitait également être conseillée sur comment mieux structurer son réseau de distribution en Chine, et obtenir des informations pour connaitre plus en profondeur les habitudes d’achats et de consommation des produits de beauté des Chinoises. Pour répondre à la demande du client, Daxue Conseil a dans un premier temps effectué une étude documentaire qui a permis de cartographier les acteurs du secteur de la beauté (les concurrents présents sur le marché ainsi que le réseau de distribution existant). Ensuite, l’équipe de Daxue Conseil a organisé quatre tables rondes de deux heures chacune, invitant des acheteuses régulières de produits de soin pour la peau, de parfum et de maquillage à discuter de leurs préférences et habitudes de consommation. Dans un troisième temps, Daxue Conseil a réalisé une campagne d’audit de magasins via son application mobile « The Store Checkers », permettant d’analyser la performance des ventes et la visibilité des produits de la marque dans les points de vente. Enfin, l’équipe de Daxue Conseil a remis au client un plan stratégique complet contenant des recommandations détaillées, concrètes et actionnables.
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— Daxue Conseil (@Daxue_Conseil) 6 janvier 2017