La Chine est entrée relativement tardivement dans l’industrie du nucléaire civil par rapport à certains pays comme les États-Unis ou la France – la première centrale est active depuis 1994 seulement. Mais elle a bien l’intention de se rattraper : son marché du nucléaire figure déjà parmi les plus importants au monde.
À l’heure actuelle, vingt réacteurs sont en construction sur le territoire chinois. Cela représente plus d’un tiers de tous les réacteurs construits dans le monde. Ils devraient venir compléter la production nucléaire issue de 36 réacteurs déjà en opération.
Mais ce n’est pas tout. Depuis près de trois ans, le gouvernement chinois cherche à commercialiser sa propre technologie. Que ce soit sur le plan de la sécurité comme celui de l’économie ou de la géopolitique, cette montée en puissance de la Chine dans le nucléaire promet de changer la donne.
Remplacer le charbon par le nucléaire pour soutenir la croissance économique chinoise
Le premier enjeu du nucléaire chinois est économique : il s’agit d’alimenter sur le long terme les besoins énergétiques du développement économique du pays, encore dynamique. Si la croissance du PIB est actuellement en phase de ralentissement, la demande en énergie de la Chine augmente toujours : la hausse de la consommation énergétique par personne devrait continuer de grimper jusqu’en 2030 au plus tôt.
De plus, dans les années à venir « cette demande ne devrait plus seulement se concentrer sur la côte sud-est », observe Clément Mougenot, Directeur Etudes chez Daxue Conseil. D’après l’Association Mondiale du Nucléaire, une trentaine de sites de l’intérieur du pays ont en effet déjà signé des accords préliminaires avec la Commission Nationale du Développement et des Réformes (NDRC) et sont en attente d’un accord du Conseil d’État. Ces sites se situent par exemple dans le Sichuan (四川), le Hunan (湖南), le Jiangxi (江西), et le Hubei (湖北) au centre du pays, ou encore dans le Liaoning (辽宁) (où plusieurs réacteurs sont par ailleurs déjà en opération) et le Jilin (吉林) au Nord.
Or, alors que le gouvernement chinois s’est engagé à réduire l’usage du charbon, seul le nucléaire permettrait d’alimenter les besoins en énergie du pays de manière constante et fiable. C’est pourquoi le Conseil des Affaires de l’État a relancé les projets de construction de nouvelles centrales au printemps 2015, après une période de ralentissements de quatre ans liée à la catastrophe de Fukushima. En 2030, le nucléaire devrait contribuer pour environ 8 % à 10 % du mix énergétique, contre 2 % en 2012, estime Xu Yuming, directeur adjoint de l’Association Chinoise de l’Energie Nucleaire, interrogé par le China Daily.
Obtenir une reconnaissance internationale via l’exportation de la technologie nucléaire chinoise
Tout en consolidant sa production nucléaire sur son territoire national, la Chine reste très attentive aux besoins énergétiques au-delà de ses frontières. En effet, les deux réacteurs de troisième génération lancés en 2015, le Hualong One 华龙一号核电 et le CAP 1400, n’ont pas été conçus à la seule intention du marché chinois. Bien au contraire, le gouvernement compte en faire des standards internationaux et obtenir ainsi la reconnaissance du savoir-faire chinois dans l’industrie nucléaire au niveau mondial. Ici aussi, il existe un enjeu économique : d’après L’Opinion, construire une centrale nucléaire équivaut à exporter quelque 300 000 voitures.
Pour atteindre son but et alors que les nouveaux réacteurs chinois n’ont pas encore passé tous les tests de sécurité, dont celui de l’Union européenne, la stratégie chinoise consiste aujourd’hui à participer à des projets qui utilisent des réacteurs étrangers, mais en faisant appel à des fonds, une expertise et des services de construction chinois. Avec leur puissance financière, les trois premiers groupes d’Etat du nucléaire chinois (China General Nuclear CGN 中国广核集团, China National Nuclear Corporation CNNC 中国核工业集团公司 et la State Power Investment Cooperation SPIC 国家电力投资集团) arrivent ainsi en sauveteurs pour des projets en manque de fonds.
C’est ainsi que la Chine a participé à la construction de nouveaux réacteurs en Argentine (2014) et en Roumanie (2015). La stratégie fonctionne puisque la CNNC est parvenue à proposer son Hualong One pour l’un des deux nouveaux réacteurs argentins. Au Royaume-Uni, la CGN va travailler sur un réacteur d’EDF à Hinkley Point, mais elle est en attente d’approbation pour la construction d’un autre Hualong à Bradwell. D’autres contrats sont signés ou en cours de négociation avec l’Arabie saoudite, l’Iran, le Pakistan ou encore la Turquie.
Des enjeux de sécurité restent à résoudre
Cette accélération du rôle de la Chine dans l’industrie du nucléaire civil au niveau mondial pose également des questions de sécurité. La régulation de cette industrie diffère selon les Etats et certains pays ayant peu d’expérience dans le nucléaire pourraient devenir des clients de la Chine. Pour Jost Wübbeke, spécialiste de la Chine interrogé par The Diplomat, cela signifie que la réglementation encadrant les projets nucléaires dans ces pays est peut-être encore trop jeune et insuffisante pour évaluer clairement leurs implications en termes de sécurité. Le problème se pose en Chine même où les standards de sécurité sont hauts, mais où la supervision fait parfois défaut. Cependant, le gouvernement chinois cherche à rassurer à la fois la communauté internationale et sa propre population sur la qualité de sa technologie : en avril 2016, les autorités ont dévoilé un projet de loi sur la sécurité nucléaire.
Finalement, la Chine exporte une partie de ses réacteurs vers des pays n’ayant pas ratifié le Traité de non-prolifération des Armes nucléaires comme le Pakistan, ce qui pose problème aux membres du Groupe des fournisseurs nucléaires, qui réunit les plus grands pays fournisseurs d’énergie nucléaire, dont la France, le Canada et la Russie.
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— Daxue Conseil (@Daxue_Conseil) 7 novembre 2016